Le seul constat de la violation de la durée maximale de travail de 48 heures par semaine ouvre droit à réparation pour le salarié

Sauf dérogation accordée par l’inspection du travail, la durée maximale de travail hebdomadaire est fixée à 48 heures. Ce plafond résulte de la transposition, en droit français, de la directive européenne 2003/88/CE du 4 novembre 2003. 
 

Cette disposition, au même titre que celles relatives aux temps minimal de repos quotidien et hebdomadaire, ont pour finalité de protéger la santé des salariés. La Cour de cassation rappelle d’ailleurs régulièrement que ce droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles (Cass. soc. 13 juin 2012, n°11-10.854).
 

La violation de ces règles d’une particulière importance en droit social constitue donc une faute grave de l’employeur permettant au salarié d’obtenir la réparation du préjudice qui en découle. 
 

Reste à savoir quelles sont les règles de la demande de réparation présentée par le salarié. 
 

La Cour de cassation juge de façon constante que c’est à l’employeur, et à lui seul, de prouver qu’il a respecté les durées maximales de travail et les temps de repos minimum prévus par la loi (Cass. soc. 4 février 2015, n°13-20.891 ; Cass. soc. 2 oct. 2019 n°18-12.323). 
 

Il s’agit d’une dérogation à l’article L.3171-4 du Code du travail prévoyant que la preuve des heures de travail accomplie est partagée entre l’employeur et le salarié.
 

Autrement dit, un salarié ne peut pas être débouté de ses demandes d’indemnisation au titre du dépassement des durées maximales ou du non-respect des repos au motif qu’il n’a fourni aucun élément de preuve à ce sujet.
 

Par ailleurs, dans un arrêt du 26 janvier 2022, la Cour de cassation juge que le seul constat de la violation de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation pour le salarié (Cass. soc. 26 janv. 2022, n°20-21.636).
 

Dans cette affaire, un salarié avait travaillé 50,45 heures au cours d’une même semaine et demandait des dommages-intérêts pour violation de la durée maximale du travail de 48 heures. Tout en constatant que cette violation était avérée, la Cour d’appel avait jugé que le salarié ne démontrait pas en quoi ces horaires chargés lui avaient causé un préjudice.
 

Ce faisant la Cour d’appel se plaçait dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation qui, en 2016, a abandonné la notion de « préjudice nécessaire ». Dans un arrêt du 13 avril 2016, cette dernière a en effet jugé que « l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond », ce qui revient à dire que le seul constat de la violation d’une règle par l’employeur n’ouvre pas droit à réparation de façon automatique mais implique que le salarié prouve l’existence et l’étendue de son préjudice (Cass. soc. 13 avril 2016 n°14-28.293).
 

La Cour de cassation censure cet arrêt d’appel et juge qu’en cas de violation de la durée maximale de travail, le salarié subit nécessairement un préjudice. A l’appui de cette solution, elle rappelle la jurisprudence de la Cour de justice de de l’Union européenne selon laquelle le dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire, en ce qu’il prive le travailleur d’un tel repos, lui cause, de ce seul fait, un préjudice dès lors qu’il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé (CJUE,14 octobre 2010, C-243/09). 
 

Cette solution est pleinement applicable au non-respect par l’employeur des temps minimum de repos (notamment le repos quotidien de 11 heures consécutives), ces prescriptions visant également à assurer la protection de la santé des salariés.
 

La Cour de cassation confirme ainsi qu’en cas de violation d’une obligation d’une particulière importance, le salarié subit nécessairement un préjudice ouvrant droit à réparation. Elle avait déjà jugé, dans le même sens, dans les hypothèses suivantes : lorsque l’employeur licencie abusivement le salarié (Cass. soc., 13 sept. 2017, n°16-13578) ; lorsqu’il ne met pas en place les instances représentatives du personnel (Cass. soc. 17 oct. 2018 n°17-14.392 ; 25 sept. 2019 n°17-22.224 ; Cass. soc. 9 juin 2021, n°20-11.798) ou encore lorsqu’il porte atteinte à la vie privée du salarié (Cass. soc. 12 nov. 2020 n°19-20.583).


Cass. soc. 26 janv. 2022, n°20-21.636


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