Vidéosurveillance dans l’entreprise : l’employeur peut-il l’utiliser comme mode de preuve pour licencier un salarié ?

L’employeur tient du contrat de travail et du lien de subordination qui en découle le droit de contrôler l’activité de ses salariés. 

Toutefois, si, dans ce cadre, il met en œuvre un dispositif de collecte d’informations personnelles des salariés, alors un tel dispositif doit faire l’objet, au préalable, d’une information des intéressés et d’une consultation du Comité Social et Economique (CSE). 

Ces obligations d’information et de consultation préalables s’appliquent aux systèmes de vidéosurveillance qui permettent de contrôler et surveiller l’activité des salariés même lorsqu’ils sont destinés à assurer la sécurité des locaux et des personnes dans l’entreprise.

C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 10 novembre 2021 (Cass. soc. 10 nov. 2021, n°20-12.263). 

Dans cette affaire, une caissière travaillait dans une pharmacie dotée de caméras destinées à assurer la sécurité des biens et des personnes. L’employeur l’a licenciée après avoir constaté, grâce à ces caméras, un certain nombre de faits qu’il estimait fautifs. La salariée a contesté son licenciement en faisant valoir que la vidéosurveillance était un mode de preuve illicite, faute pour l’employeur d’avoir consulté préalablement le CSE. 

La Cour de cassation relève que le système de vidéosurveillance permettait de contrôler l’activité de la salariée et confirme donc qu’il devait, au préalable, faire l’objet d’une information de l’intéressée et d’une consultation du CSE. Elle en déduit qu’un tel mode de preuve est illicite. 

La Cour de cassation juge en revanche qu’un tel mode de preuve, bien qu’illicite, ne doit pas nécessairement être écarté des débats par le juge. Il appartient, en effet, à ce dernier de mettre en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve de l’employeur et d’apprécier le caractère équitable de la procédure dans son ensemble. 

Le juge doit ainsi procéder à un contrôle de nécessité et de proportionnalité . Autrement dit, même illicite, la production d’images de vidéosurveillance par l’employeur pourrait être recevable devant le juge si elle est indispensable pour prouver les faits et si l’atteinte portée à la vie personnelle du salarié est strictement proportionnée au but poursuivi. 

La jurisprudence de la Cour de cassation fournit par ailleurs des exemples dans lesquels l’employeur n’est pas tenu aux obligations d’information et de consultation préalables et peut librement produire en justice les image de vidéosurveillance comme mode de preuve. Tel est le cas de caméras installées pour assurer la sécurité d’un magasin qui n’enregistrent pas les activités des salariés sur un poste de travail déterminé et qui ne sont pas utilisés pour contrôler les salariés dans l’exercice de leurs fonctions (Cass. soc. 18 novembre 2020, 19-15.856). Tel est également le cas de caméras installées dans un couloir réservé au stockage et filmant l’accès aux toilettes attenantes, lesquelles avaient permis à l’employeur de constater des faits de voyeurisme commis par un salarié (Cass. soc. 22 sept. 2021 n°20-10.843).


Cass. soc. 10 nov. 2021, n°20-12.263 

Le cabinet Bouaziz - Benamara classé "incontournable" par le magazine Décideurs